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La Lorgnette du Margouillat

MADAME AWA

MADAME AWA

Voici quelques semaines, Madame Awa m'a envoyé un premier long message depuis Crystal Bay, au bord du lac Tahoé dans le Nevada.
Sénégalaise d'origine, de Louga plus précisément, Madame Awa vit aux États Unis depuis quelques années, mariée à un certain Bill qui lui a fait trois jolies métisses.
Bill est transporteur routier, propriétaire de son camion, Madame Awa travaille dans un grand hôtel de ce superbe endroit, non loin de Reno.
Ils possèdent une jolie maison en bois dans une forêt de pins. Avec vue sur le lac, of course!
Dans un français impeccable, Madame Awa m'explique qu'elle lit quotidiennement les billets de la Lorgnette sur son Mac.
Qu'elle a la nostalgie de son pays qu'elle a pourtant quitté quand elle avait 17 ans.
Ayant rompu totalement avec sa famille, Madame Awa est pourtant restée fort attachée à la terre qui l'a vue naître; même, si j'ai bien compris, elle ne fut pas très heureuse. Une petite fille "malmenée" par un oncle imam, ça laisse des traces...
La distance et le temps ne sont pas toujours des thérapies éradiquantes...
Sinon que Madame Awa a réussi dans son message à m'offrir une bouffée de bonheur immense.
Je ne connais ses lectures anglo-saxonnes actuelles, mais, j'ai la certitude qu'elle adore la littérature française tant ses mots chantent, caressent la syntaxe, sentent bon les jolies fleurs de nostalgie, les souvenirs d'enfance dans la cour de la concession, au marché du Marbat ou de Bou Ndaw.
Elle me parle de Saint-Exupéry, de Hugo, de Rimbaud, d'Albert Camus,...
Madame Awa ne connaît pas la France. Mais, Tante Binta de Paris a du être sa bibliothécaire, la richesse de sa culture française. Habiter à deux pas de la librairie des Abbesses à Montmartre, ça aide à envoyer de bons colis de bouquins...
Le regard tendre de Miss Awa sur son pays d'origine ne l'empêche pas de porter un oeil, un jugement sévère sur certains aspects du Sénégal.
La religion, la corruption, l'éducation la hérissent encore, comme si elle subissait toujours ces agressions au quotidien.
Souvent, me dit-elle, elle pense à la chance que des millions de gosses, d'ados, de jeunes n'auront pas avant des générations. Sa chance à elle d'avoir eu une fée qui se soit penchée sur son être meurtri.
Je devine que Madame Awa et moi allons avoir quelques jolis échanges de correspondance.
Et si, finalement, la Lorgnette servait aussi à ça!?! Que du bonheur!
(Par soucis d'anonymat, les prénoms sont empruntés)


(Aquarelle Émile Thibaut)

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