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La Lorgnette du Margouillat

LE RIRE SÉNÉGALAIS

LE RIRE SÉNÉGALAIS

Autant le sénégalais - plus encore LA sénégalaise - aime rire, de tout, à tout instant, autant le partage d'humour absurde est délicat. Alors, l'humour anglais...imaginez!
Le Toubabien lambda manie assez facilement cette forme de dérision, la comprend aisément. Entre St Louis et Cap Skirring, entre Matam et Touba... pas!

"la terre ferme!
Tant pis, on ira ailleurs!"

"La mer est démontée!
Et, vous la remontez quand?"

C'est, je crois, une question de culture, de vivacité d'esprit, de gymnastique intellectuelle, de capacité à manier la - oh combien complexe - langue française. Mais, c'est surtout que l'humour Africain est aussi incompréhensible pour un toubab que l'élection de Trump comme président des States pour un français... qui a quand-même envoyé Macron à l’Élysée...
Le sénégalais peut rire, se taper le cul par terre, se frapper les cuisses ou les fesses, se rouler dans le sable pendant dix minutes pour une blague, une réflexion qui ne vous ferait qu'à peine sourire.
La réflexion matinale du vieux lézard tire sa source d'une anecdote au bourg.
Jean-Noël, superbe et élancé rasta dreadlocké arrive dans son village natal afin de présenter sa fiancée Dakaroise à la famille.
Le Margouillat n'a pas eu le plaisir d'apercevoir l'heureuse élue. La population, si!
Le trader doué, ayant brillamment réussi ses études, reconnu comme l'un des meilleur jongleur de la place financière de la capitale prend le frais sous le boumak neem du quartier.
Ses copains, ses frères d'enfance, de ballon rond, de bêtises sont assis sur les claies du lavoir. On travaille la nostalgie, on palabre, on rit.
Mademoiselle promise - un bon quintal au visage ravissant à ce qu'il paraît - est restée dans la concession de sa future belle famille...
Mon pote Doudou me fait de grands signes, m'invite à venir saluer l'enfant du pays, à poser mes fesses sur le banc. Une fois les présentations faites, les vieux copains poursuivent leurs conversations Franco-Wolof-Sérère mélangé-secoué... Doudou traduit-décalé tant que faire se peut.
Je perdrai évidemment la substantifique moelle de ces instants hilarants mais, je tente, malgré tout, de vous les restituer.
L'ainé des potes, un gaillard que je connais un peu, devient soudainement sérieux, se lève et réclame l'attention, le silence. Chacun attend un discours solennel. "Bienvenue, bonheur, enfants, réussite."
Ben, non!
- Mes amis, mes frères, je ne sais pas ce que vous en pensez. Mais, moi, j'estime qu'il est de notre devoir de mettre en garde Jean-Noël, ici présent. Ta femme, là, tu dois la partager! C'est un trop gros morceau pour un seul homme!
La tornade de rire durera une éternité. Hurlements, frappe de cuisses, de fesses, poings par terre, gondolement de ventre, larmes sur les joues, étouffements, pivotements sautant sur place en pliant les genoux (à voir!), retenue ultime de sphincters...
La réponse ne pouvait que relancer une seconde séance-secousse de bonne humeur, sauce Sénégalaise.
- Merci Abdou, mon frère. Je compatis à ta faim de ne t'affamer avec ta femme Soukey, l'acariâtre et sèche tige de mil qui me fait tant pitié...

Quelle frustration de vous conter si mal ce moment inénarrable de ce qu'est le rire, ici.

(aquarelle Thomas Petitet)

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