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La Lorgnette du Margouillat

OUMOU

OUMOU

Quand elle m'a dit son prénom, j'ai eu une petite pensée affectueuse pour une femme en blanc qui gifle et pique en Toubabie hexagonale...
Oumou.
Profession: cueilleuse d'huîtres de palétuviers, trieuse de coquillage, mareyeuse dans le Saloum, mère de six enfants, première épouse d'un mari volage volatilisé...
Margouillat pose ses fesses sur l'une des racines géantes du fromager. Le fleuve à mes pieds, j'attends la transhumance des zébus qui s'en reviennent de l'autre rive du bolong.
Non loin, quelques touristes bruyants et tout rougeauds boivent des Flag au bar paillote d'un lodge.
Oumou allume un petit feu sur la plage. Quelques brindilles d'herbes sèches, deux morceaux de bois et un vent léger suffisent pour flamber une vingtaine de mollusques.
Les doigts seront charbon mais le palais sera subjugué!
- Tu en veux?
- Waw! Tu m'en donnes six.
C'est ainsi qu'en attendant le gosse Peuhl et son troupeau, nous faisons connaissance, Oumou et moi.
Oumou parle bien la langue du vieux lézard; elle a eu son bac juste à temps. Le père, douanier à Dakar, est décédé. Adieu l'université! Bonjour la débrouille...
- Tu sais, ici, c'est plutôt la démerde. Parce qu'on est vraiment dedans.
J'aime son grand rire qui n'en finit pas, qui étonne les aigrettes, dérangées quelques secondes par la gaité d'Oumou. Seul un Martin pêcheur semble insensible à notre présence.
Martin guette, s'élance, plonge et ressort de l'onde avec son déjeuner dans le bec. La fraie est abondante à cet endroit.
Rayon poissonnerie, rien à redire!
Maman m'explique que depuis deux ans, elle ne coupe plus les branches des palétuviers chargées d'huîtres.
- C'était facile les bouquets, mais on nous a expliqué l'écologie, la préservation de la mangrove. J'ai des filles. Je veux leur laisser le delta en bonne santé, tu comprends!?!
- Tu sais Oumou, tes mots, là, ils tombent dans l'oreille d'un amoureux de la nature. C'est bien ta prise de conscience!
- Toi, t'es pas en vacances!
Alors, le discret Lazare a aussi raconté sa vie à la gentille Oumou jusqu'au moment magique où les zébus sont arrivés.
Quelle belle fin d'après midi!

(aquarelle Karine Arnou)

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