LE SAUVAGE D'AUCHAN

Mais, quel ostracisme!
Le vieux lézard, l'ermite mité, le zinzin du Sine, le sauvage du Saloum, le broussard exilé, le poète des crabes violonistes, l'ému des zébus, le ballot des baobabs de bolongs, le rigolo des marigots, le chantre des tans... commet un crime de lèse personnalité, un suicide de légende vivante, une auto mutilation d'aura... parce qu'il lui arrive de pénétrer dans un Auchan.

Le jour où je mangerai des racines d'acacia marinées dans une soupe de bissap marmitée sur un feu de broussaille d'herbes à chameau, que je me torcherai le derrière avec des feuilles de caïlcédrat, que je me désaltèrerai du lait de ma chèvre à même le pis, que je me frotterai les écailles avec de la cendre mêlée de sable de Palmarin, que je grillerai du rat palmiste dans la fumée d'un feu de bogues de noix de coco, que je me raserai au coupe-coupe en me mirant dans l'onde de la mangrove... je vous ferai signe!

J'aimerais avoir une charrette et un âne, jouer au Ben-Hur des pistes sablonneuses, produire ma propre monnaie de singe au tamis des chercheurs d'or de Sabodola, payer mon mbourou à la bitik avec de la verroterie de Kédougou, me soigner avec des écorces de neem, de bave de crapaud mélangée au jus d'huîtres de palétuvier, grogner comme un Patas, apprendre le langage des signes des chimpanzés du Niokolo, connaître l'alphabet des sons des djembés Watsapp...

Et, puisque je suis encore torop civilisé, je vous salue bien...ainsi que les soixante deux pourcent de la clientèle d'Auchan Sénégal... des indigènes...

Dédicace à Mademoiselle Beulemans... (https://youtu.be/S7Eb8s4KcA0)
Illustration: Hanan Bouanani