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La Lorgnette du Margouillat

GOURMANDISE SÉRÈRE

GOURMANDISE SÉRÈRE

Entre Fimela et Samba Dia, dans le Sine-Saloum, survit une forêt unique au monde.
Le palmier rônier - Borassus aethiopum - est quasi endémique à ce coin de terre d'à peine 7,5 km2; c'est la forêt classée "réserve de biosphère" par l'Unesco et, de ce fait, protégée.
Ça, c'est en théorie !
Depuis 1976, année de son classement, la forêt s'est appauvrie au lieu de se développer. Les raisons sont hélas peu naturelles.
Voici trois ans, la superbe piste a subit l'outrage de la construction d'une route goudronnée excellemment réalisée mais qui a nécessité l'arrachage de centaines d'arbres. Un massacre !
Le fruit du rônier, censé repeupler la palmeraie est une friandise très recherchée par les chèvres et les ânes en maraude. Les jeunes pousses sont aussi une gourmandise irrésistible pour les zébus... et les hommes.

Si le vieux lézard était au courant du goût prononcé des herbivores pour ces bébés à l'avenir incertain, il ignorait totalement que l'homme était un végan gourmand des jeunes pousses de rônier.
C'est en découvrant une botte ficelée au jardin de Mbin Diakar qu'il m'a été instruit de la chose.
Murée, la concession de Lazare s'enorgueillit de posséder quelques spécimens adultes et une dizaine de jeunes adolescents qui grandissent avec bonheur et insouciance entre cocotiers, baobabs et calebassiers.
Le porteur d'eau m'aurait-il fait le don de quelques jeunes pousses à repiquer au jardin?

- Ah! Au fait! Merci Moussa pour les bébés rôniers!
- Hé! Mais, c'est par pour toi! Je les ai oublié avant hier. Je les ai cueilli en forêt. C'est pour moi manger avec la famille.

C'est alors qu'il m’expliqua le mets recherché des Sérères.
Vous connaissez le reptile. Il a bien tenté d'expliquer le méfait de cette gastronomie vis à vis de l'écologie, de la préservation de cette forêt qui fait tant fierté au village. Imaginez, elle est unique au monde !

- Ah ben oui mais, c'est torop bon quoi!

Si l'on ajoute que, chaque année, disparaissent des dizaines d'arbres de parfois plus de vingt cinq mètres de haut pour d'obscures raisons de confort domestique, il est fort à parier que la honte remplacera la fierté avant la fin de ce siècle.

Dédicace à Aïdar El Ali
Illustration Christian Seignobos

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