Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
La Lorgnette du Margouillat

FATIGUEMENT DE L'AUBE

FATIGUEMENT DE L'AUBE

Le Margouillat s'est réveillé avant l'aube, avant l'appel de la prière, avant la décence même!
Un chat a hurlé dans la nuit, un laobé lui a répondu, l'océan claquait sa colère sur les rochers, un âne brayait, un bébé pleurait...
Alors, le Margouillat a bu trois cafés, a allumé une Excellence et son ordinateur.
L'esprit embrumé, l'oeil vague, les doigts hésitants, l'inspiration morne, la mémoire en rade.
Une petite souris grignote mes biscuits Biskrem dans le garde-manger. Un moustique joue dans la lampe halogène du bureau.
Au mur, le masque Mancagne des moissons me sourit béatement. Le batik gambien ondule imperceptiblement au vent qui s’engouffre par la porte-fenêtre ouverte.
Il est trop tôt! Aucun oiseau ne babille, ne bavarde, ne caracoule, ne cause, ne chuchote, ne truisotte, ne hue. Même la chouette ne choule pas!
Juste la mer qui grogne, que je ne vois même pas danser le long des golfes clairs. Amoul reflets d'argent!
Finalement, cet océan, il n'est pas trop pacifique!
Vous l'avez compris, je sèche! "Je ronge mon os de seiche" dirait Amina, ma voisine mareyeuse.
Amina! Elle doit encore dormir avec ses trois enfants sur le matelas, le mousse bleu-vert émoussé, élimé, troué, fatigué...
Dans une heure, le muezzin va éveiller la chambrée. Elle ira chercher de l'eau au puits, remplir la bassine, laver les gosses, les habiller. Il reste du tapalapa d'hier. Une couche de Chocopain, un papier journal et la porte s'ouvrira. Les chèvres sortiront, les petits iront à l'école du village.
Amina passera sur la plage pour gagner son petit banc de bois, sa croute aussi. Casser des coques, couper le yet. Jusqu'au couchant.
J'attends les premières lueurs de l'aurore. les premiers gazouillis.
J'écoute le silence entre deux vagues de vagues.
"Écoute, écoute... Dans le silence de la mer, il y a comme un balancement maudit qui vous met le cœur à l'heure... Ferré, "il n'y a plus rien"
Ce foutu juke-box, dans ma tête, s'est encore allumé tout seul...
Je pense à ma vieille anglaise qui dort sur la piste.
On va aller se balader! Débusquer un Drôle, une anecdote, un paysage, une palabre. Sentir une fleur de frangipanier, une odeur de dibi, de goémon, de savon-lessive, de gomme arabique.
Frôler un boubou, rire d'un clando qui passe. Acheter des clopes chez le Dar. Quelques mangues de Casamance à Aïda, une bouteille de Kirène, pour la route!
Prendre la piste en espérant qu'une muse, entre rôniers, baobabs et acacias, fasse de l'autostop...

(aquarelle Oumar Ball)

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article