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La Lorgnette du Margouillat

SARAVAH BABOU

SARAVAH BABOU

Le gars slalome entre slam et reggae mélancolique.
Oserais-je écrire "reggae pas gai"?
Les mots glissent entr'anglais scolaire et dialecte inconnu.
Il joue maladroitement de la guitare fatiguée d'errances entre n'importe où et n'importe comment.
Ses doigts hésitent parfois. Un accord loupé fait la grimace. Un œil se plisse et dit pardon.
L'artiste dégage une émotion étrange. Tout s'arrête quand il joue. Sauf les gens...
Nous sommes quatre, le cul dans le sable à l'écouter. Deux gamins, une grand-mère en boubou et moi.
Les touristes se laissent embarquer pour les îles, pour un achat artisanal en bitik d'antiquaire, pour l'ardoise alléchante d'un tangana.
A midi, il y a tant d'autres choses à faire que d'écouter un vieux rasta pouilleux assis sur un  muret fatigué.
Les gosses s'en vont au troisième couplet. Il doit y avoir une odeur de ballon rond ou une corvée à ramener à la concession...
La vieille s'endort debout en souriant. Seul le popotin bouge encore un peu au rythme chaloupé lent du guitariste.
Le bonhomme me regarde, nos yeux se croisent, se parlent.
- Ça va?
- Ça va, c'est bon, c'est bien, continue!
Quand la chanson s'arrête, Grand-Ma se réveille et s'en va en claquant deux fois la langue sur son palais...
Je lève le pouce. Bonhomme sourit. Il enchaîne.
C'est là que le miracle arrive.
Aux trois premières notes, je reconnais LA chanson.
"Samba Saravah" (juke-box)
La guitare de Babou n'est pas celle de Baden Powell. Par contre, sa voix ressemble étrangement à celle de Pierre Barouh. Seul l'accent indéfinissable, métissé "dérange" un peu.
Inimaginable rencontre!
Ce gars émouvant, hypnotisant, venu d'ailleurs qui se met à jouer l'une de mes chanson préférée. Au Sénégal.
Après ce concert improbable de deux chansons, rien que pour moi, j'invite Babou dans un petit clando où j'aime aller parfois déjeuner.
Nous avons l'anglais commun, très imparfait. Heureusement, il y a les mains, les yeux, les sourires aussi.
Babou parle portugais, celui qui chante, qui coule au Brésil. Le Créole libérien, le Mérico, le Kissi aussi.
Du moins, c'est ce que j'ai cru comprendre...
Né à Monrovia d'une Maman brésilienne, d'un Papa Libérien, Babou a vécu entre le Brésil et l'Afrique avec quelques crochets: Paris, Amsterdam, Bruxelles, New York, Kingston...
Aujourd'hui, il quitte le Sénégal par Djiffer, en pirogue. Banjul sans doute.
Dans la Vieille Anglaise qui nous conduit à Djiffer, on parle chanson, musique, voyages.
Nous nous quittons par une accolade longue et chaleureuse. Silencieuse. Chagrin de trop brève rencontre.
Thanks and good road Babou!

(aquarelle Catherine Michel)

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