REQUIEM POUR UN ARBRE

"Missa pro defunctis per a Adansonia digitata"

L'homme, cette fois, n'y est pour rien!
Sauf si son comportement sur la planète qu'il domine, néglige, salit et massacre à tout va dérègle l'atmosphère au point de déclencher de terrifiants orages assassins.
Cette fois, pas d'abattage, pas de déracinement d'intérêt particulier.
Juste le vent, la foudre.
C'était un vieil ami solitaire. Trônant entre Diofior et Djilas. Entre goudron et tans. Entre champs de mil et d'arachides. Gorgui géant et tordu. Tortueux baobab scarifié d'ancestrales lames animistes. Tatoué par le feu, cicatrisé par le temps.
Quel griot est enterré dans son creux? Quel zébu s'est nourri de sa fibre? Quel enfant y a sommeillé sous son ombre?
Est-ce que les bulbes de l'haemanthus multiflorus fleuriront sur sa tombe à l'hivernage?
Déjà, l'homme s'est empressé de le dépecer, piétinant les graines de hasard des derniers fruits du cadavéré, écrasant les jeunes pousses prometteuses du trépassé.
La bouye du pain de singe, c'est bon mais ça stérilise les forêts à venir. L'homme est-il donc si stupide?!?

Baobab, mon frère d'âme. Chaque matin, au jardin de Mbin Diakar, je m'en viens poser la paume de la main sur ta carcasse luisante.
Parfois, je te chante Brassens...
Il paraît que tu n'es même pas un arbre! Parfois, on t'appelle pourtant "arbre bouteille". Guy, Adansonia digitata, bombacacé, arbre à palabres, cimetière de griots, arbre sacré des pangols...

Cette nuit, les roussettes sont passées se nourrir de tes fleurs, s'y frotter, polliniser, perpétuer le miracle de la vie.
Demain, si dieu le veut, si l'homme arrête d'être assassin, tu auras mille ans!

(illustration Margherita del Balzo)