TOURNER LA PAGE

Voici quelques jours, je palabre avec une très gentille personne. Une sénégalaise d'une quarantaine d'années. Fort agréable, la Dame travaille dans un grand complexe hôtelier de la Petite Côte depuis des lustres.
Elle sait que j'écris.
Dans la conversation, le sujet se présente donc tout naturellement.
- Tu sais, avant, je lisais beaucoup! J'ai toujours un peu de mal à m'endormir; alors, je lisais au lit, parfois jusqu'à une heure du matin. Un peu de tout! Des romans, des bandes dessinées, j'étais éclectique.
- Pourquoi tu dis "avant"? Tu ne lis plus?
- Ben, non! Tu sais, maintenant, il y a la télévision, les feuilletons... Je regarde les séries aussi sur mon portable. Même à la boutique de l'hôtel, quand il n'y a pas de clients...

Télé Novelas, "c'est la vie", "Pod et Marichou"...

Amadou Hampâté Bâ a dit: "Un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle."
Permettez à Lazare de paraphraser en remplaçant le vieillard par un nouveau feuilleton qui voit le jour...

Je ne m'étendrai pas sur les ravages de ces séries. Sociologiquement, c'est une catastrophe. Dans le quotidien - des femmes africaines principalement - c'est une modification cataclysmique des coutumes, des horaires de labeur, des loisirs. Entre autres.
C'est une nouvelle forme d’obscurantisme. Une vision tronquée de la réalité, aussi!
Par curiosité, j'ai regardé un épisode d'une série mexicaine qui fait fureur au Sénégal. "Le prix du pardon". Rien que le doublage en français vaut le détour. C'est si mal "joué" que c'en est inimaginablement drôle...et consternant.
Les séries turques ont également débarqué. Puis, il a les feuilletons sénégalais en wolof...

Le nivellement par le bas, en Toubabie, on connaît!
La culture hexagonale, désormais, c'est Cyril Hanouna, "La Vengeance aux yeux clairs", “Demain nous appartient”. Ne croyez pas le vieux lézard féru en la matière mais, je me suis farci des extraits, des critiques de "télérama" et autres "bandes annonces" pour être édifié...

Le Gourou du Saloum a assisté au tournage de Yao, est allé à une avant première du film à Diofior, en brousse, là où ont été tournées de longues scènes du film. J'aime beaucoup Omar Sy.
Mais le voir faire du "service après vente" chez Hanouna...comment dire...ça m'a gâché le goût du plaisir.

Quand je vois ce que je ne regarde pas, quand j'entends ce que je n'écoute pas, je suis bien content de penser ce que je pense!

(illustration Thomas Waterman)