PASSAGE MASSAGE

Le Margouillat fut un dévoreur de San Antonio, biberonné au Frédéric Dard concentré sucré salé depuis l'adolescence.
Si vous avez la même maladie, vous savez qui est Berthe Bérurier!
Nous avons, chacun, notre représentation personnelle de l'"Engin". Aidés en cela par les dessins de Dubout à Boucq en passant par Desclez, la tendre moitié de Béru fait partie de la galerie gourmande de notre imaginaire.
Son sosie africain existe!
La "Chose" se prénomme Mahawa. Née à Conakry, en Guinée, à l'avènement de Sékou Touré.
Madame a un diminutif, Awa. Ce qui doit constituer l'exception du personnage tant tout le reste est énorme. Monstrueusement boumak!
Cent trente kilos! Dont plus de cinquante rien que dans les fesses! "Un cul d'enfer" aurait dit le truculent et observateur avisé Béru.
Dame Awa est matrone à Dakar Ouest Foire, mère maquerelle d'un bordel crasseux à l'enseigne rouge fluo "Passage massage". Le lettreur, à l'époque, avait eu irrépressible envie d'écrire "pas sage". Sinon que Madame Awa n'ayant aucun humour et le poing facile... Il n'a pas osé!
Si la devanture est discrète, passé la porte et écarté la tenture violette, on se retrouve dans un lupanar glauque, poussiéreux aux odeurs tenaces, significatives...
Un petit salon pistache - en un seul mot - ceinture une table basse rose sur laquelle sont négligemment empilés quelques revues érotiques, pornographiques ainsi qu'un Paris Match du 3 juillet 2009 rendant hommage à Michael Jackson...
Un comptoir saumon derrière lequel la Morue observe, ordonne, compte. Un petit tiroir, une grosse clé de laquelle pend un petit godemichet en bois d'ébène. La banque d'Awa, le coffre à xaalis!
- On paie avant! Avec ou sans finition? Avec!?! C'est vingt mille!
Quatre box en enfilade d'un long couloir pisseux, quatre tentures en wax hollandais masquent à peine les turpitudes entre clients et masseuses.
Les chairs claquent sous les mains huileuses plus ou moins expertes, les rires salaces fusent, les soupirs coquins s'étouffent dans la serviette douteuse...
Repus, les clients s'évaporent après une dernière touche de main de la mère Awa. Une tradition de la maison!
La main gauche en coquille sur la braguette, juste le temps d'un instant.
- Alors, il est content? Il reviendra? La semaine prochaine, j'en ai de nouvelles...

La Lorgnette me regarde. L’œil gauche est marri, le droit contrit.
- T'as pas honte!?! Tu ne m'as jamais dit que tu allais dans ce genre d'endroit! Toi l'ermite sauvage, l'homme de la nature, l'écolo solitaire, le tendre maître d'Olof.
- Mais, je n'y vais pas ma coulissante. C'est un copain qui m'a raconté...

(illustration Augustin Kassi)