NE PAS MOURIR DEMAIN

Quand le Margouillat lorgnait la maison abandonnée entre village et forêt, il s'arrêtait souvent sur la piste, devant ce qui deviendrait "Mbin Diakar"...plus tard.
Trois ans d'attente. Trois années de tergiversations, de divergences d'héritiers pour une case à dix sous...
Trois ans de délabrement, de jardin agonisant.
Quand, enfin, Lazare a pu acquérir sa "maison de retraite", le portail s'est ouvert aux corps de métier. Un balai chaotique où la chorégraphie des maçons, des carreleurs, des menuisiers et des peintres ne fut pas sans rappeler certains extraits de "La maison du bonheur", le film de Dany Boon. (http://player.allocine.fr/19466235.html)
J'écris ça mais en fait, les travaux de rafraîchissement se sont finalement bien déroulés. Sénégalaisement s'entend!
Ressusciter le jardin fut un jeu d'enfant! J'ai laissé s'amuser la nature. Quand celle-ci barbote dans l'eau, s'éclabousse, elle chahute sauvagement, pousse, grandit, bourgeonne, s'étire, s'étend, envahit, déborde...
J'ai semé deux grains d’hellébore, planté quelques fleurs, quelques arbustes fruitiers et floraux à l'ombre de leurs majestés Baobabs, Rôniers, Calebassiers, Flamboyants, Cocotiers et Neem.
Bougainvillers et Orgueils de Chine, pour ne pas faire pâle figure, ont réveillé, réanimé, explosé leur parade, éclaté leurs parures. Et, avec quel panache!
Aujourd'hui, profitant des bontés de l'hivernage, la petite concession est une jungle!
Les oiseaux, par centaines, y trouvent refuge, nidifient, pondent.
"L'adresse est bonne, la bouffe pas dégueu!"
Chaque matin, à l'aube, avec Olof, nous nous promenons au jardin; nous nous frayons le passage, délicatement. Ramassage des noix ce coco, des pains de singe, émerveillement devant cette végétation luxuriante et généreuse.
Toutefois, je ne peux m'empêcher, chaque matin, de penser à "demain"...
Je n'ai pas en projet de traîner plus qu'il ne faut sur cette terre, pourtant, j'ai tant envie de regarder encore pousser les arbres, les fleurs, admirer les ciels, observer les oiseaux, caresser mon chien.
Entendre gémir boundao voisin Abdou, écouter le rythme des pilons, admirer le déhanché des porteuses d'eau, respirer les senteurs de lessives, de marmites prometteuses. Saluer cochons, ânes et biquettes, rire avec Rosalie, Doudou, Fokotek, Antoine et Ndeye.

Tiens, Chirac est mort! "Mangez des pommes!"
Chirac, c'était, et c'est encore, en Afrique, le nom de nombreux chiens et chevaux. Hommage à un sacré bonhomme qui aimait profondément ce continent.

(illustration Annaveronik)