CHAUD ET FROID

Ici, quand le fond de l'air est frais, on sort les moufles et les snow-boots, les écharpes et les chaussettes de laine, les passe-montagnes et les manteaux fourrés! On se rassemble devant un brasero pour déguster l'Ataya en tentant de patienter plus ou moins stoïquement, en attendant que le soleil réchauffe le Sénégal.
Parfois même, les femmes enflamment des chaudrons d'eau pour la toilette des petits.
C'est l'hiver au pays de Yékini!
Les températures peuvent descendre jusqu'à quinze à seize degrés la nuit. Plus bas encore sur les îles du delta, sur l'océan.
J'imagine assez bien le Toubabien qui ne connait pas le pays lire ces lignes.
Expliquez-lui qu'on grelotte ici sous dix huit degrés!

Il est là, sous la couette, chambre chauffée, café bouillant sur la table de nuit. Il regarde par la fenêtre au double vitrage le givre opaque en dentelles masquer un peu les branches du jardin englué de froid. Une fine pellicule de glace blanchit la nature endormie, grelottante, en hibernation.
Tout à l'heure, en charentaises fourrées, pyjama et gros peignoir en pilou, il est allé chauffer taf taf son cawa. Il a regardé le thermomètre extérieur en écartant la tenture... Quelques degrés sous zéro.
Expliquez ça à un Sénégalais qui n'a jamais posé un orteil en "métropole".

- Mais, c'est pas possible! Dis-moi que c'est pas vrai! Et vous ne mourrez pas?
"Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient atteints*"... non pas de peste mais de "frigoriphagie.

Le Sénégalais est frileux. Tout comme le blanc qui vit ici. Notre organisme s'est habitué à des températures élevées quasi en permanence. Si quarante au mercure tue à cinq mille kilomètres d'ici, nous, "on a bon".
Notre sensation, nos ressentis "chaud" et "froid" sont totalement incomparables. Compliqué à expliquer, à comprendre.

Dédicace à Mamadou B., l'homme qui a marché sur les glaciers Alpins.
*"les animaux malades de la peste" (Jean de la Fontaine)
Aquarelle Mary Whyte