SYLVIE ET BADABOUM

Madame Sylvie, retraitée de l'enseignement Toubabien, habite à l'orée d'un petit village Sénégalais dont je tairai le nom. L'ancienne institutrice aime sa tranquillité autant que le vieux lézard... Sinon plus.
Vivant seule, la "vieille toubab" se retrouve pourtant, un beau matin de septembre, "maman nourricière" d'un ânon dont la mère s'est faite écraser sur le goudron de Kaolack.
Un Berliet des années soixante, ça ne freine pas pour un animal. Ca gâche torop les cylindres et les pneus...
"Le pare-zébu avant a coûté, ça  doit servir!"
La gentille maîtresse d'école se retrouve Nounou Biberon d'un boundao Mbam orphelin et glouton !
"Âne se dit "mbam" en wolof. Sylvie trouve rigolo de l'appeler "Badaboum"... même si, rapidement, elle découvrira qu'elle a, en fait, adopté une ânesse.

Ici, en brousse, dès potron-minet, on ouvre la barrière de la concession. Le signal est ainsi donné aux animaux d'aller chercher leur pitance entre pistes et place publique, ruelles et champs.
Sylvie ne l'entend pas de cette oreille ! Hors de question que Badaboum se balade seul !
"On va me le voler". Il va se faire écraser comme sa pauvre mère, il va manger du carton!".

C'est ainsi que Lazare a fait la connaissance de l'équipage, au hasard d'une rencontre dont Olof se souvient encore. Je lis parfois de la nostalgie dans les yeux de mon toutou quand il croise un âne au village et qu'il se rend compte que ce n'est pas sa douce copine.

Imaginez nos deux espiègles gambader; Olof libre comme l'air, Badaboum au bout d'une longue corde.
" Pas question que je le libère; il est trop petit ! Je le perdrais, je deviendrais folle !"

Je n'ai jamais revu Sylvie. Trop loin de Mbin Diakar. J'y pense parfois. Badaboum doit avoir bientôt deux ans. Que sont-ils devenus?
Nous n'avions pas échangé nos numéros de téléphone. Juste partagé deux jolies heures de promenade et un orage d'apocalypse.

Il est des rencontres farouches au départ, dont on se souvient longtemps, sans raison apparente.

illustrateur inconnu