ABANDON

Quand j'étais entré dans l'hôtel, j'avais immédiatement été fasciné par la beauté du lieu. Un jardin tropical architecturé de main de maître. Somptueux! En son cœur, une piscine de rêve!
Immense et pourtant merveilleusement enchâssée dans un écrin floral riche et varié. Quelques chaises longues invitaient au farniente. Un joli bar-paillote, quelques tabourets, quelques tables basses, des fauteuils cossus aux couleurs vives.
Seul le gazouillis des oiseaux submergeait le clapotis rafraîchissant d'une timide cascade enfuie entre les rochers. L'eau sourdait doucement dans un massif de fleurs rampantes où couraient des margouillats.
Par une allée flamboyante de delonix regia, on rejoignait la plage immense de sable fin, blond, chaud. Un alignement de cocotiers offrait son ombre aux transatlantiques confortables. Matelas moelleux, tables basses en bois vernis, parasols locaux en palmes de rôniers tressées.
Un petit panneau jaune signalait "Piscine & Mer Non Surveillées".
Hier, je me baladais au bord de l'eau, de l'océan. Sur cette si jolie plage d’antan.
Marchant sur le sable, j'évitais les pièges. Plastiques, tessons, poissons morts, bois trempés, algues et autres incongruités...
Quelques filaos malades encerclaient encore le tronc d'un cocotier dépalmé, assassiné par l'érosion.
Une pirogue, couchée sur le flanc, finissait de se décomposer, couleurs éteintes, pavillon en berne.
Entre les vagues mornes, quelques enfants jouaient avec des bidons vides de Kirène. Le plus grand d'entre-eux lavait un mouton récalcitrant, bêlant de peur.
Pas de panneau "Baignade Dangereuse"...
Pourtant, dimanche, un gosse s'est noyé dans ce cloaque.
J'imaginais les panneaux à clouer au pilori de ce désastre touristique...
"Défense de déposer des immondices", "gardez cet endroit propre", "respecter la nature", "travail bien fait, client satisfait"...
Il faudrait apprendre à lire, je crois...
Et puis, comprendre!
Et puis agir!

(aquarelle Catherine Simoni)