VIENS POUPOULE...

Il y a comme un parfum particulier qui s'en vient flotter au village. Se mêlant aux odeurs des résines, des lessives, des encens et des bouses de zébu...
Les poulets serrent les fesses, baissent le cou.
Le gallinacé subodore l'hallali.
Poulette sent Korité arriver!
Plus de dix millions d'entre-elles vont être victime du massacre de la saint Barthélémy, version Musulmane.
Pour fêter la Korité, la fin du Ramadan, il est de coutume, de tradition de manger du poulet. Beaucoup de poulet! "Trop même", comme on dit ici.
Dans le nouveau monde, ce sont les dindes qui trinquent: Thanksgiving!
En Europe, c'est à Noël qu'on se farcit le Phasianidae glougloutant.
Chez les Juifs, c'est Shabbat et son pain natté, les Bouddhistes sont prioritairement végétalistes.
Chacun ses traditions, sinon que religion rime avec gloutons!
Pour se payer une poule - pas même de luxe - le Sénégalais va dépenser en moyenne trois mille francs. Si la concession est importante, si la famille est proche ou voyage, si les voisins ont faim, il faut cinq, dix poulets!
Comme pour Tabaski, il est impératif d'avoir une nouvelle robe, un nouvel habit, des nouvelles chaussures, passer chez la coiffeuse, chez l'esthéticienne. Nouvelle perruque, blush, rouge à lèvres et consorts...
Tout ça, bien évidemment, ça fatigue le porte-monnaie. Mais, c'est pas grave! C'est comme ça, c'est tradition! Graoul!
Et puis, faut montrer qu'on a les moyens!
Quant au Margouillat, il a investi dans un poulailler au village. Mise de fond dont le vieux lézard se fait rembourser en nature. Deux poulets par mois!
J'aime ce genre de business. Le troc Africain avec des gens corrects et gentils, c'est tellement "nio far". Partage d'aide et de plaisir d'être ensemble.

(illustration Georg Scholz)