MARCHE ET TAIS-TOI

"Ne marche pas devant moi; je ne te suivrai peut-être pas...
Ne marche pas derrière moi; je ne te guiderai peut-être pas...
Marche juste à côté de moi et sois mon ami."
Albert Camus

Quoi que...
Elle se prénomme Dolorès et je ne la connais pas. Cette étrange étrangère envoie parfois quelques mots sibyllins au vieux lézard. Des mots justes, choisis, intelligeants, délicats. Des mots qui s'offrent à réflexion.

Voici quelques années encore, j'aurais acquiessé totalement à la citation de Camus. Plus aujourd'hui.
Si l'ami qui marche à mes côtés parle trop, ne sait pas écouter le silence, ne parvient pas à capter la magie d'un lieu, d'un instant... Il risque de marcher très rapidement seul.
Souvent, nous flânons à trois. Olof, ma solitude et votre scribouilleur. Comme mon chien ne parle qu'avec les yeux, il est mon meilleur ami!
Mais, je l'observe! Quand je lis un questionnement, un étonnement, une incompréhension dans ses mirettes, je le rassure, je lui explique. Avec mes mots de chien à moi, mes yeux à moi, une caresse.
Je sais un jour lointain où je ferai de même avec une personne qui s'en viendra découvrir "mes" terres, tans, forêts, rivages, tumulus funéraires; ma vie de vieux lézard "requincaillé" pour l'occasion...

Je me souviens de balades pré-Vieille Anglaise. quelques bourlingues avec un ami qui aime, comme moi, se perdre par des pistes, des chemins de traverse. Sans carte, sans GPS. Juste le reniflement que les découvertes seront bonnes, belles ou ricanantes...
Parfois, un doigt pointe une direction. Le "regarde" est muet. Le sourire répond de même, la bouche fait "ho!", "ha!". Parfois, avec son accent lourd de chaleur Catalane, fuse un "putaing!" qui vaut tous les avis des guides du routard.
L'avantage d'être devenu "d'ici", d'avoir ouvert quelques serrures de ce Sénégal qui nous étonne pourtant encore chaque jour que Roog fait.

(aquarelle Francine Domart Broage)