RORO LE COCHON

"La sénilité ne m'inquiète pas. Le jour où j'en souffrirai, je ne m'en rendrai pas compte!"
Michel Galabru

Un mec, qui jusqu'hier était un vague copain, me dit:
- Dis donc Lazare! On ne te voit jamais venir prendre un verre avec nous. Tu restes dans ta brousse, tu délaisses tes amis toubabs! Tu vas devenir sénile de vivre avec eux...

La différence entre "eux" - les gens de mon village - et la bande d'enracinés anisés usés "de-la-terrasse-du bistro-des-vieux-toubabs", c'est que "eux" savent que je ne fréquente pas trop les visages pâles.
Tandis que les gorguis français imaginent que je passe ma vie à visiter les "indigènes", manger, à même le sol le thièb avec les doigts, prendre l'ataya quotidiennement en palabrant de longues heures sous le neem en dégustant warga, soucar et nana.
Ben non!
La plupart du temps, le vieux lézard partage sa vie avec Olof! Se balade de pistes en tans, de plages sauvages en bords de marigots, de bolongs en marchés de brousse.
Pas d'autre montre que le métronome de mon estomac, pas d'autre projet que la sieste, pas d'autre envie que d'écrire.
Le Margouillat s'en vient à la bitik, s'approvisionner, saluer Doudou, Anne Marie, Salimata, la petite Dienaba, le boundao Abdou et s'en retourne par la piste brûlante à Mbin Diakar en faisant un signe à Ousmane, Michel, Maman Ndèye, le vieux Souleymane et le cochon Roro.
Je ne bois pas de pastis, je ne fume pas de yamba, je ne mate pas les gazelles au chaloupement enivrant sur le goudron.
Mon excellent Merlot, mes voluptueuses Excellence et mes fascinants oiseaux me vont à merveille!

- Ouais mais bon, c'est pas très palpitant quoi!?! Tu dois t'emmerder là, tout seul comme un con? T'as même pas la télé!

"J'ai divisé la société en deux catégories: mes amis ou mes cons à moi et les cons des autres que je ne supporte pas."
Michel Audiard

(aquarelle John Lovett)