LES LANGUES DE CHEZ NOUS

"Nonobstant les tergiversations perfides et pernicieuses de l'opposition scélérate, je franchirai le pas qui fera d'un gouffre fétide et stérile une terre fertile et féconde, inch Allah!"

Merveilleux Sénégal qui, bien que secoué par une génération "anti France", se sert de la richesse de la langue de Molière pour discourir; se vautre dans son exubérance syntaxique pour magnifier une simple promesse électorale concernant la disparition d'une décharge publique nauséabonde d'un bled en brousse.

- Qu'est-ce qu'il a dit?
- Il va enfouir et reboucher!
- Ah c'est bien!

Vous savez le vieux lézard gourmand de sa langue maternelle. Ici, je suis aux anges!
J'avoue que le paradis est particulier, paradoxal. Il y a ceux qui ont fait les bancs, ceux qui n'y ont que trop peu usé leur jean ou leur boubou et puis ceux qui ont eu la chance et le mérite de faire de brillantes études, voire même s'enrichir en autodidacte étourdissant.
Lazare fréquente les premiers au village, les seconds virtuellement. Quelques sénégalais au pays, d'autres de la diaspora.
Sans "péter plus haut que notre derrière", nous avons ainsi des conversations riches, ouvertes, drôles où l'esprit et la culture foisonnent quel que soit le sujet abordé.
Toujours par écrit! La plus belle, la plus élégante manière de mâcher les mots.
Quant à ceux de mon environnement immédiat, j'en savoure la sagesse, la drôlerie, les mots réinventés, malaxés de zestes de français, de wolof, de sérère et d'onomatopées typiquement typiques du Sénégal verbal.

- Tu as gagné le mange-mille au gendarme couché après l'essencerie?
- Waw! Mais, c'est bon là! Amoul solo! Ils n'avaient pas faim... Graoul!

Traduction?
- Les gendarmes t'ont arrêté au dos d'âne après la station service?
- Oui! Mais, pas de problème, ils m'ont laissé repartir sans verbaliser... C'est pas grave!

(aquarelle Stephen Scott Young)