VAGABONDAGE

J'aime le vagabondage des animaux, leur liberté de passer d'un tan à un champs, d'une île au goudron de la nationale, de la cour de concession à la place de l'indépendance...
C'est sans doute l'anarchie, c'est parfois rock & roll mais, l'errance des zébus, des ânes, des chevaux, des chèvres, des cochons et des moutons me ravit !
Il y a de la poésie à regarder passer un troupeau. On se plait à rêver. D'où venez-vous, où allez-vous ?
Le demander à un petit berger Peuhl est inutile. C'est ancestral, c'est tracé, c'est vital, c'est comme ça !
Le paradoxe, c'est que la pauvreté empêche l'animal d'être sédentaire, lui offre le luxe d'être nomade.
Il doit trouver sa nourriture et, comme les xaalis manquent à clôturer la brousse, ils s'en vont là où ils veulent, sans passeport, sans laisser-passer, sans autorisation administrative, sans réglementation.
Un peu comme si on disait aux humains d'aujourd'hui: "vous pouvez sortir, allez où vous voulez, vous balader, voyez qui vous voulez, allez vous faire une bouffe entre potes.
Inimaginable !
Un peu comme si les usines d'engraissement, les parcs à parquer, les enclos étriqués, les cages, les barbelés, les barrières, les arrêtés préfectoraux, les piqures d’hormones et autres monstruosités disparaissaient des pays industrialisés.
Fantaisiste !

Ici, on maltraite souvent l'animal "outil de travail", on égorge plus d'un demi million de moutons à la Tabaski... mais, les bêtes sont libres !
Libres d'arrêter la Tibétaine le temps de traverser nonchalamment la piste, libres d'accompagner le vieux lézard chercher son pain à la bitik, libres d'entrer et sortir d'une concession, de sauter sur le pont d'une pirogue pour regarder la mer, libres de préférer mil ou sorgo, paille d'arachide ou buisson d’acacia. Avec ou sans modération...

Vive l'anarchie, vive la liberté! Vive le Sénégal !

illustration Amadou Lamine Seck