IMPONDÉRABLES

Mardi matin, l'empereur, sa femme et le p'tit prince...
Non! Je recommence: Mardi matin, la Vieille Anglaise, sa flemme et la batterie décident de se porter pâle! En panne la Lady canonique!
Bien évidemment, le vieux lézard a un rendez-vous important. Si! Si! ça existe aussi ici ce genre de contrainte.
D'autant que pour me rendre à ce rancard, je dois prendre le bateau, profiter d'une navette programmée. Bien obligé de postposer la rencontre, la réunion. Je déteste ça!
J'ai donc quelques heures devant moi pour recharger les accus de la récalcitrante. Sauf qu'ici, faut du temps, de la patience, de l'acide, des pinces, des clés ad hoc et le bon vouloir du mécano local...
- Ah mais, il va venir, il est au dispensaire quoi. Il s'est blessé avec la clé de 12. Donne, je vais aller acheter de l'acide...
Je ne la sens pas trop bien cette matinée, voyez-vous. Une sensation, une intuition que ce sera un jour "sans".
Après un "certain temps", arrive Amadou, affublé d'un gros pansement à la main gauche. Allah est grand, mon boumak sorcier local de la mécanique automobile est droitier!
Le marché est à portée de vue. Le Margouillat a bien envie d'aller acheter quelques fruits, quelques légumes. Ces étals au bord du goudron sont, non seulement, pittoresques mais aussi très tentants. Le chatoiement des couleurs, des odeurs sont quasi irrésistibles. Sans parler des palabres souvent rigolotes avec les banabanas du village.
Sauf qu'il est très vivement conseillé de ne pas quitter le "garage" quand votre voiture y est!
Non pas pour surveiller les travaux mais pour veiller à ce que le précieux liquide qui se trouve dans votre réservoir ne s'évapore pas...
Certains apprentis sai-sai sont les rois du siphon, si vous voyez ce que je veux exprimer ici, présentement.
La tâche est rude, voire inutilement dérisoire de tenter d'accélérer la cadence infernale de travail de mon technicien. D'autant que blessé, il serait scandaleux de ma part de le houspiller.
Sinon que le temps passe. Lentement mais sûrement!
Le pilote de mon boundao yacht local va s'impatienter. Mon rendez-vous s'énerver.
La Lorgnette m'incite alors à téléphoner, postposer, différer Djiffer, là où le rendez-vous a lieu.
C'est à ce moment que mon portable franco-chinois retentit.
- Allo oui! Ne viens pas, les gens qui devaient nous rejoindre sont en panne sur l'autoroute... On remet ça à demain, même heure. Si leur voiture est réparée...
Le Sénégal est le pays de la Téranga, il est aussi celui des impondérables.

(aquarelle Jean Vigué)